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Pour l’honneur et pour la mafia

 

«La monarchie dégénère ordinairement dans le despotisme d’un seul; l’aristocratie dans le despotisme de plusieurs, la démocratie dans le despotisme du peuple»

Montesquieu

 

Evoquer la «Sénégalité» tardive de Karim Wade pour lui barrer le chemin de la présidence est un faux débat et c’est un précédent très dangereux dont les conséquences, présentes et futures, peuvent affecter de nombreuses générations de compatriotes. Si le débat de l’accession de Karim à la présidence de la République est, pour certains, une affaire de souveraineté, de bons sens, d’honneur et/ou d’opportunisme, pour le fils de Vivianne c’est une question d’existence. Pour lui, comme pour les Wade, la question ne se pose pas. «Karim Micha est né pour diriger le Sénégal, il le fera et peu importe le prix à payer», me disait un ami Commissaire de Police pour me convaincre de rejoindre le camp de ceux qui devaient travailler pour la cause de Karim. C’était en 2003 déjà. Et depuis beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. La tournure des événements que nous voyons laisse penser que cet ami avait vu juste. Faire de Karim son successeur n’avait jamais effleuré l’esprit de Wade même si Vivianne l’envisageait et travaillait discrètement à ce projet. C’est en 2004 que tout s’est précipité. Sans occulter la trahison d’Idrissa Seck et la volonté du Pape du Sopi de voir la lignée des Wade entrer dans les manuels d’histoire de l’Afrique, c’est l’affairisme de Karim qui les a poussés à s’engager dans cette voie suicidaire. Il y a eu d’abord l’affaire -démentie- de l’arrestation de Karim à Paris avec une mallette bourrée de pétrodollars, -non par la Douane française comme évoquée par la presse mais-, par la PAF (Police Aux Frontières) qui a tout mis en branle et fait comprendre au fils Wade que sans immunité il est aussi vulnérable que n’importe qui et risque à tout moment d’être conduit derrière les barreaux. Parce-que, ce jour-là, Karim voyageait avec son passeport français. Depuis lors beaucoup de faits, faux ou avérés, ont été imputés à Karim et à ses amis et le nombre de leurs ennemis n’a cessé d’augmenter. Des industriels floués aux entrepreneurs à qui ils auraient promis des affaires au Sénégal sans jamais tenir leurs engagements, la liste est longue. Si lui, Karim, n’a jamais été inquiété, il le doit à l’immunité que lui procure son rang de fils p...  Aussi la multiplication de ses investissements dans le pays n’a d’égal que le nombre de soupçons qui pèsent sur lui quant aux origines de ces fonds. A titre d’illustration, il est l’un des principaux actionnaires, avec les libanais propriétaires du Café de Rome, de Sunéor, le seul patron avec Sindjély de Dakar-Dem-Dikk et tutti-quanti…Pour la petite histoire, juste auréolé de sa victoire sur Abdou Diouf, Abdoulaye Wade avait demandé à ses amis, dont Alain Madelin, de solliciter le patron de Vivendi pour l’aider à régler le problème du transport urbain à Dakar. Ce dernier, accédant à sa demande, lui a offert quelques vieux bus en lui suggérant de prendre Christian Salvy, un retraité de la boite, comme administrateur. Au même moment par le canal du G15 –une école indienne de formation à Dakar- Pierre Atèpa Goudiaby avait appris qu’un multimillionnaire indien cherchait à nouer des partenariats en Afrique pour exporter la marque Tata presque inconnue en dehors de son pays d’origine. Il prend contact avec l’Indien, l’invite à Dakar et le présente aux Wade. Les Wade disent ne pas vouloir du projet mais dès que le gars a quitté le palais, Karim et ses amis se rendent en Inde et ficèlent discrètement le partenariat avec l’indien. Atèpa n’y a vu que du feu ! Voilà comment les Wade ont créé Dakar-Dem-Dikk sans aucun fondement juridique et la dernière fois que j’avais mis les pieds dans cette boite, - c’était en 2006- elle n’avait ni service comptable ni service financier. L’argent récolté la journée et acheminé, la nuit, dans des sacs vers le palais.

 

Hériter du foyer des ancêtres, c’est en conserver la flamme et non les cendres, conseillaient les sages du Mandingue. Notre devoir, c’est légitime, est de défendre ce pays contre les dérives monarchiques des Wade mais c’est aussi  éviter à ce pays l’embrasement. Nous n’avons pas besoin de nous haïr ou de nous battre pour savoir si Karim a oui ou non le droit de se présenter à la Présidence de la République. C’est la Constitution largement plébiscitée par son père et votée par les Sénégalais qui y a déjà répondu. Karim ne remplit pas les conditions pour être candidat à la présidence de la République du Sénégal comme il ne sera jamais président en France. En effet, l’article 23 de notre Constitution stipule que : « tout candidat à la Présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques et être âgé de 35 ans au moins.»  Or le fils du président, c’est de notoriété publique, est un national français même si personne ne peut lui contester sa sénégalité. Si les pères fondateurs de ce pays avaient pris la peine de mettre cette clause, c’est pour mettre ce pays à l’abri de graves manquements que pouvait causer la double nationalité du président. La binationalité d’un chef d’état met en péril la souveraineté du pays et menace les fondements de son existence. Le cas Alberto Fujimori au Pérou est là pour nous rafraichir la mémoire. Karim est un citoyen français et, à ce titre, il peut être entendu, poursuivi et même écroué par la justice française si jamais un juge français le voulait sans demander son avis au Sénégal. Même en tant que Président, la France disposant de base militaire à Dakar et un peu partout en Afrique peut venir le chercher dans son palais et le contraindre à aller répondre à la justice. Le cas de Manuel Noriega du Panama est encore frais dans les mémoires. De même, au cas où il commettrait des crimes au Sénégal, des manquements graves à ses devoirs, il peut tranquillement rentrer chez lui sans aucune possibilité pour le Sénégal de lui demander des comptes. La France n’extradant pas ses nationaux, nous n’aurons que nos yeux pour pleurer et il y aura toujours des aristocrates qui viendront nous dire : «na niou mougn bayiko ak Yalla1» en essayant de nous faire oublier qu’ils ont été servi par la mafia wadienne.

C’est Wade qui est le parrain de toute cette mafia et le concepteur de cet affairisme. Et quand on sait que, comme Al-Capone, le patriarche est un mortel et est mourant, il y a de quoi avoir peur. Il faut, pour la survie du clan, que quelqu’un continue son œuvre et garde la maison. C’est dans cette optique que les courtisans ont, avec Vivianne, convaincu le père que le meilleur serviteur du clan ne pouvait être que le fils. Voila comment l’idée de Karim Président est née. Pour Karim et la nouvelle classe d’aristocrates qu’il a créée, c’est une question de vie ou de mort. Karim ou ce sera l’enfer ! Dans la tête des Wade c’est clair, net et précis c’est une question d’honneur et l’honneur se lave dans le sang: «s’il faut brûler le Sénégal pour y installer Karim, qu’il en soit ainsi!» En face d’eux, ils  trouveront toujours des Tout Sauf Karim prêts à mourir pour le Sénégal. Voila comment est née la tragicomédie à laquelle nous assistons et nous risquons, si nous n’y prenons garde, d’être les victimes. Refusons que notre pays serve de nouvelle destination aux mercenaires et ayons constamment ce conseil de feu le général Gueï Robert, en tête : quand les éléphants se battent, ce sont les herbes qui meurent. Faites Seigneur que ce ne soient que de mauvaises herbes !

Bacary Touré

Journaliste-écrivain

kimikikiko@yahoo.fr  

 

1-Résignons nous et laissons-le avec Dieu

 

Le bal des sorciers

 

«Il n’y a pas de crime parfait, il n’y que des crimes impunis, ceux dont l’imperfection n’a pas été découverte».

Alain Demouzon

 

     Chez les Agni et les Yacouba, en Côte d’Ivoire, comme chez les Mankagne, les Mandjak et autres populations animistes de ma Casamance natale, lorsqu’une personne meurt, on cherche toujours à connaître l’origine de son décès avant de la mettre sous terre. Muni d’une planche sur laquelle on fait coucher le défunt, de gros gaillards portent le cercueil et se laissent guider par lui vers le ou les sorciers qui ont mangé l’âme du disparu. Chez certains peuples, c’est tam-tam battu sur la place publique ou le mortier et le pilon qui identifiaient les meurtriers. Indexé et parfois cogné par le cercueil, ce dernier, pris de démence, se mettait debout devant tout le village et citait les noms de ses complices et expliquait le mode opératoire utilisé pour la mise à mort du défunt. C’était tous des gens du peuple, de simples sujets sans aucune responsabilité collective et, à la fin de la cérémonie, ils étaient bannis du village et leurs cases brulées. On appelait cela le bal des sorciers. Mais, aussi loin que l’on puisse remonter dans l’histoire de l’Afrique noire, jamais aucun homme ayant entre ses mains les responsabilités d’Abdoulaye Wade ne s’était illustré à cette valse. De mémoire d’homme, la confession d’aucun criminel n’a jamais eue une aussi grande importance que celle du chef de l’Etat Sénégalais sur la participation du parti socialiste au meurtre du commissaire Sadibou Ndiaye.  Comme si ce cas ne suffisait pas à nous faire frémir et à haïr les politiques, Gorgui, comme pris de «Djeufour», gratifie son peuple de révélations macabres, en lui citant l’affaire Me Babacar Sèye et, cerise sur le gâteau, il lui donne en dessert les pratiques de sacrifices humaines dont les Albinos seraient les agneaux pour la pérennisation du régime socialiste. En faisant cette sortie, il voudrait que l’histoire retienne que les  quelques crimes commis sous son régime ont précédés de grands crimes jamais dévoilés. Il a raison mais, cela ne doit ni excuser ni justifier les siens! Et sa démarche est franchement funeste. Quand on occupe son poste, le chef de l’Etat doit avoir le cœur suffisamment grand pour garder les secrets, tous les secrets, qui ont servi de socle à l’élaboration de l’Etat. Ce sont des secrets d’Etat. Et j’aimerai bien savoir quel régime au monde a pu fonctionner sans enterrer des cadavres sous la pelouse du palais. Divulguer ces secrets, c’est commettre un crime de haute trahison et son auteur est passible- je parle sous le contrôle des juristes-, de 20 ans de prison. Alors messieurs les juges, faites votre travail ! C’est un précédent dangereux et, si rien n’est fait, d’autres cadavres seront déterrés. Pour moins que ça, El Malick Seck, Madiambal Diagne et les journalistes de Sud ont été privés de la lumière du jour. L’évocation du meurtre de Sadibou Ndiaye dont l’Etat serait le commanditaire, au-delà de la responsabilité du parti socialiste et de l’Etat du Sénégal, pose la question de la fiabilité de nos services de Renseignements. Elle montre comment des hommes de loi, au détriment de leur pays, en flagrante violation de leur serment de fidélité envers la nation et de leur devoir de réserve, se mettent au service des puissances économiques privées ; qu’elles soient étrangères ou nationales. C’est grave, très grave ! Sans attendre qui que ce soit, il est du devoir du procureur de chercher à savoir comment et par qui Abdoulaye Wade, avait-il, dès le lendemain de ce qui était appelé «accident» eu connaissance de cette affaire? Car de sources sûres l’opposant Wade, bien avant son entrée dans le gouvernement, avait rencontré Abdou Diouf pour parler du dossier. Pourquoi n’avait-il jamais dit ni à la famille ni au peuple ce qu’il savait de cette affaire? Pourquoi le fait-il maintenant? Après Me Babacar Sèye le spectre du commissaire hante-t-il son sommeil? Veut-il voir les enfants du commissaire tenter un procès contre le gouvernement pour connaître la vérité ou essayer de venger leur père en flinguant les anciens responsable du PS, car comme il le soutient lui-même l’honneur ne se lave que dans le sang? Ou bien est-il subitement devenu dément au point qu’il ne veuille plus emporter ses secrets dans sa tombe?  À tous les coups Wade est dangereux pour la stabilité de ce pays! Le commissaire Sadibou Ndiaye, pour les plus jeunes d’entre nous, était un valeureux policier. Et il était délégué par ses camarades pour négocier avec le gouvernement afin que les policiers soient considérés comme des paramilitaires, au même titre que les gendarmes, et puissent bénéficier des mêmes privilèges. Jean Colin alors ministre de l’Intérieur refusa cette demande. Pour obliger le gouvernement à accéder à leur demande, les policiers s’étaient réunis au camp Abdou Diassé, de Colobane, et avaient menacé de faire une marche vers le palais pour contraindre le gouvernement à accepter la satisfaction de leur doléance. Ayant compris la fragilité de la situation du régime, Jean Colin avait demandé à des policiers d’infiltrer leur mouvement et de le tenir informer des moindres décisions, pendant que lui s’était isolé au palais. Informé du projet des policiers de marcher sur le palais, Jean Colin fit appeler le commissaire Sadibou Ndiaye au palais et s’engagea à satisfaire sa doléance. Mais, lorsqu’il est entré au palais, personne n’eut plus eu de ses nouvelles. Ensuite, son corps et sa voiture finirent leur course sur les falaises de Ouakam. Informés, ses camarades avaient tenté de marcher vers le palais. Mais craignant qu’ils utilisent leurs armes de dotation, le ministre fit appel à la gendarmerie et lui donna comme ordre d’ouvrir le feu si les policiers tentaient de dépasser la rue Amadou Assane Ndoye. Le groupe de marcheurs fut violement stoppé par des gendarmes surarmés devant la Bicis de Dakar. Dès le lendemain de cette marche, la police fut cassée, ses chefs radiés et les collaborateurs de Jean Colin furent primés et mutés vers d’autres corps comme le GMI, les Sapeurs-pompiers. Certains, comme le commissaire Pape Samba Sy -qui était le plus haut gradé de la police au moment de cette affaire-, ont trouvé leur salut dans la Police Municipale, condamnés à ne plus jamais porter une arme. Voila ce que l’histoire a retenu. Alors, si Abdoulaye Wade en a su plus que tout le monde, c’est qu’il avait quelqu’un qui était dans un endroit où tout se savait et où peu de gens avait accès. C’était au Rondon. C’est de ce détachement où étaient centralisés les Renseignements que le premier bulletin informant du meurtre de Sadibou Ndiaye est parti vers la Présidence.  Ironie du sort, en cette période-là, il y avait dans ce service un jeune et brillant officier de police du nom d’Abdoulaye Baldé et il avait comme ami un certain Assane Ndoye et tant d’autres devenus de hauts-cadres de la police. Ils furent tous de fidèles collaborateurs du parti socialiste et sont devenus de loyaux serviteurs du PDS. Comme quoi «kou def lou reuy am lou reuy!» Après la sortie de Wade, il serait judicieux que ces derniers sortent de leurs réserves coupables et participent à l’éclatement de la vérité. Qu’ils nous disent qui étaient ces Albinos enterrées vivantes et que nous cache le parti socialiste dans le meurtre de Me Babacar Sèye. Que Wade nous raconte ce qu’il sait du meurtre de Me Sèye. J’allais oublier, demandons aussi à Samuel Sarr l’accord qu’il avait eu avec le régime pour qu’il soit, malgré la gravité des accusations à son endroit, libéré et libre de quitter le pays au moment où Wade et ses autres fidèles étaient incarcérés à Reubeus. Battons le tam-tam des  sorciers et demandons aux porteurs de cercueils de venir nous aider afin qu’ils passent devant le peuple et avouent leurs crimes. «Tamanté deume, tey mou nekh!» Ce qu’ils ont commis et ceux dont ils ont eu connaissance sans jamais en parler. Le coupable, ce n’est pas seulement celui qui a commis un crime. Mais, c’est aussi celui à qui le crime a profité. 

Babacar Touré

Journaliste-écrivain

kimikikiko@yahoo.fr

 

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